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Pierrot de Lune

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16 août 2023

CONTEMPLER

Caresser du regard la nature qui m'entoure

Observer cette vie qui s'insinue jusque dans le moindre brin d'herbe

Naviguer entre ciel et terre portée par les ailes d'un papillon

Traverser les épais feuillages jusqu'au nid bruissant de vie

Ecouter Eole chanter dans les arbres même lorsqu'il n'est qu'un murmure

Marcher au rythme du vent, au son des gouttes de pluie, au gré des nuages

Partir à la rencontre de ce petit monde si souvent invisible à mes yeux avides de demain

Explorer ces sensations nouvelles et éphémères jusqu'au plus intime de mon être 

Respirer à en perdre haleine et sentir battre le coeur de la vie ici et maintenant.

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14 août 2023

Envolée belle

Confiée au vent doux d'un après-midi d'été par un oiseau envolé, elle semble posée là, entre ciel et terre défiant les lois de l'apesanteur.

Elle chatouille mon regard et mes yeux papillons battent des paupières.

Viens, je t'emmène, murmure-t-elle à mon oreille.

Peu importe la destination, à son invitation je souscris.

Elle danse, virevolte tantôt à gauche, tantôt à droite.

Nous glissons sur les feuillages, partons à la rencontre du ciel où vivent les nuages.

Une pause...

Regarde comme la vue est belle, me dit-elle.

Un léger frisson me parcourt.

Pas celui de la peur malgré la hauteur.

Celui-ci a la douceur du bonheur.

D'ailleurs, n'est-ce pas un sourire qui s'esquisse sur mon visage ?

Et ces petites étoiles dans mes yeux...

Lentement, nous descendons, frôlant une branche, tutoyant un papillon de passage.

Mais, n'est-ce pas l'herbe tendre de la prairie que j'aperçois ?

Une larme coule sur ma joue suivie d'une autre.

Tu t'en vas déjà ? 

Si tu te posais sur cette page blanche, nous pourrions ensemble continuer à voler.

Elle se trémousse et éclate de rire.

Tu n'as pas besoin de moi.

N'as-tu pas compris que tu savais voler ?

D'ailleurs, les mots qui courent sur cette page, n'est-ce pas toi qui les as déposés ? me dit la petite plume blanche avant de disparaître dans le secret de la nature.

 

8 février 2022

Témoin d'un autre temps...

Languissantes, mes branches feuillues s'abandonnent à la caresse du vent.

 

Arrivé à un âge ne comptant plus que les décennies, les années sont poussières

Robuste, j'ai enduré les caprices du temps et la folie des hommes

Baigné du chaud soleil de l'été, j'ai bercé tant d'amours premières

Rudoyé par les tempêtes et les guerres, je suis resté debout, témoin du temps

Ereintés, les baladins et troubadours, à la force de mon tronc se sont nourris.

 

Quête du bonheur ou de l'oubli pour un avenir rieur ou l'enfer du néant

Union de l'Homme et de la Nature pour le meilleur et pour le pire

Instants de rires et de pleurs qui à jamais abreuveront la sève de mon être.

 

Chaos d'un monde qui ignorant de son histoire, ensevelit sa mémoire

Hurlant de toute mon âme ce que les oreilles sont sourdes à entendre

Usant de ma sagesse, apanage et charme de ma vieillesse

Colportant les bruits et les rumeurs d'antan aux générations de demain

Haletant, le coeur palpitant, je m'épuise au mur de leur indifférence.

Ondulant manteau vert et argent, mon chef, des oiseaux abrite les chants

Tutoyant le badaud, taquinant l'enfant, titillant le rêveur et le poète

Arrêtés un moment, une goutte d'éternité au coin d'un oeil avide

Ils écouteront les histoires et secrets d'un autre temps

Tournés vers l'horizon, ils se souviendront des chuchotements du vieil arbre.

11 septembre 2020

Coup de tête

Je ne suis pas partie sur un coup de tête.

 

Il n'y a pas eu de coup. Pas de tête non plus. Ça fait longtemps que je l'ai perdue. 

 

D'abord tête de mule, je me suis muée en tête de turc avant de me mettre la tête dans le sac. Est arrivée l'ère de la tête en l'air. L'air de rien. A la fois pleine et vide. De l'air, de l'air. Je manque d'air. J'étouffe. J'ai besoin d'air. Non, pas de coup ni de tête. Juste des mots. 

 

Des mots comme les autres. Comme ceux que l'on emploie tous les jours. Des mots d'une banalité écoeurante. Les mêmes mots. Toujours les mêmes. Jusqu'à l'overdose. Et puis, un qui dépasse des autres. Celui que l'on n'attendait plus et que l'on a pourtant utilisé tant de fois. 

 

Mais pour en revenir aux coups, il y en a eu. Je m'en souviens maintenant. Des coups d'éclat, des coups de gueule, des coups de mou,…Tellement de coups qu'ils n'ont même plus d'importance. Qu'ils ne font même plus mal parce que la douleur, ça s'apprivoise. Et puis arrive le coup de grâce. Le mot pourtant banal mais qui dépasse. 

 

La tête qui sort du sac. La tête en l'air qui est tellement légère qu'elle s'envole comme un ballon. C'est tellement simple, tellement évident. Elle s'envole et m'emmène avec elle. Enfin, je respire.

 

9 septembre 2020

Un ami …

Il est un ami qui vous accompagne les jours de beau temps ou de tempête, en pleine lumière ou dans l’obscurité la plus profonde.

 

Il vous emmène en voyage. Ici. Là. Ailleurs. Sans frontières. A l’infini. Aujourd’hui. Demain. Hier.  Dans l’éternité.  Dans l’au-delà.

 

Il vous autorise toutes les rencontres.  Des plus banales aux plus surprenantes.  Des plus anodines au plus bouleversantes. Des plus féériques aux plus maléfiques. Des plus lumineuses aux plus obscures.  Des plus sages aux plus sulfureuses.

 

Il gomme l’impatience des attentes.  Il fait oublier les longueurs des trajets interminables.  Il chasse les démons de l’insomnie. Il adoucit la solitude.  Il ouvre un univers de possibles.

 

Il se refuse à l’appartenance.  Il revendique l’existence.  Il sait qu’elle ne dépend que de vous. Pour autant, il ne cherche pas à plaire à tout le monde.  Il n’est pas un courtisan. Il admet la critique. Il accepte que l’on ne l’apprécie pas.  Il ne vous en tient pas rigueur. Il ne vous juge pas.

 

Loin de lui, la jalousie.  Il sait qu’il y en a eu.  Qu’il y en a. Qu’il y en aura d’autres que lui.

 

Il ne vous en voudra pas de l’abandonner.  Pour un moment.  Peut-être pour toujours.  Et si vous lui permettez de rencontrer d’autres mains, d’autres yeux que les vôtres, il s’en délectera.  Il vous reviendra, nourri de cette rencontre.  

 

Fidèle, il ne vous abandonne pas. Jamais.  Dès lors que vous l’avez choisi, il est là.  A vue.  A portée de main. Sur une table de nuit.  Dans un sac ou une valise. Chez vous ou ailleurs.  Il aime la douceur de vos mains.  La caresse de vos yeux. Les mots que vous direz de lui.

 

Je pourrais vous parler de lui encore et encore.  Mais je vous laisse car il m’attend pour de nouvelles aventures.  Et quand un livre me tend les bras, je n’y résiste pas, me blottis douillettement entre ses pages et me laisse guider par lui pour un autre voyage…

 

Merci l’ami…

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7 septembre 2020

Crime et sentiments

 

Malaucène. Scène de crime. Le crime parfait. Parfait au chocolat. Ce chocolat était une véritable tuerie. La preuve, ils ne lui ont laissé aucune chance, lui ont fait un sort.

 

Ils ? Huit convives réunis en une joyeuse tablée.

 

Un crime qui restera sans châtiment. Il n'y aucun témoin et le corps n'a pas été retrouvé. Une disparition comme tant d'autres.

 

 Il s'agit pourtant d'un crime et même d'un meurtre puisque l'intention ne fait aucun doute. Ils en viendraient à bout de ce parfait au chocolat !

 

 L'arme ? Huit bouches gloutonnes remplies de dents acérées.

 

 Le mobile ? La gourmandise.

 

 La complicité est évidente.

 

 Circonstances aggravantes : ils n'ont aucun regret.

 

 Absence totale d'alibi cependant.

 

 Et la victime ? Tous s'entendent pour dire qu'elle était provocante. Trop provocante. Cette robe d'un brun doré, moulante à souhait.

 

Ce parfum. Oh, ce parfum enivrant de chocolat qui vous fait tourner la tête, remue vos sens. Pas la moindre trace de la victime. Pas même des miettes au fond du plat sur lequel elle leur est apparue pour la première et dernière fois. Les absents ont toujours tort. Elle est absente. Dommage pour elle.

 

 Il y a pourtant bien eu un crime, ce soir-là. Une prise d'otages qui a tourné au drame.

 

 L'auteur ? Les auteurs, convient-il de préciser. Les souvenirs.

 

 La victime ? Les victimes, plutôt ? Les sentiments. Ses sentiments.

 

Depuis des mois, les souvenirs séquestraient, torturaient les sentiments. Oscillant entre la promesse et le mensonge. La rose et l'épée. Le sourire et plus de larmes. Jusqu'à ce funeste soir d'automne où, le coeur rempli d'espoir, les sentiments ont suivis leurs bourreaux. Soumis. Presque consentants. Ils ont gravi la pente. Lentement, péniblement mais sûrement pour atteindre le sommet du Mont-Ventoux. Les souvenirs se sont envolés les laissant agonisants. Perdus à jamais. Il est vrai que le sommet du Ventoux était couvert ce soir-là. Ils n'ont eu aucune chance de s'en sortir.

 

Il n'y aura personne pour les pleurer. Juste une âme vide.

 

A Malaucène, les convives, leur crime perpétré s'endorment d'un sommeil bien mérité…

 

 

 

6 janvier 2019

Le trésor de Cochise.

La petite ville sise au creux de la vallée a retrouvé l'automne et sa tranquillité après la période estivale qui chaque année déverse son flot de touristes.  Avant l'hiver et les amoureux des pistes enneigées, la basse saison offre une parenthèse agréable.  Jean prise cette trêve même si dès le début de l'été il trouve refuge dans le chalet de son grand-père qu'il ne quitte que pour gagner son travail.  Célibataire endurci après une histoire d'amour qui l'a confiné dans une dépression profonde durant de nombreux mois, il aime le calme de la montagne.  

Il y vit depuis sa naissance, il y a trente ans, entouré de ses parents et de sa sœur Sophie de trois ans sa cadette.  René, son père y tient un magasin de vélos. Mathilde, sa mère s'occupe de la comptabilité de ce commerce florissant.  Les adeptes de la « petite reine » sont nombreux à partir à la conquête des sommets et ce, tout particulièrement l'été. Jean y a ouvert sa société d'informatique.  Il ne s'éloigne jamais plus de quelques jours de ses chères montagnes et uniquement quand ses affaires le nécessitent. Il lui semble impossible de vivre ailleurs. Durant ses années d'études, il attendait le week-end qui le ramènerait chez lui avec bonheur.  Soulagé de quitter la grande ville où il étouffait.

Aux yeux de sa famille et de ses amis, il a réussi. Comme sa sœur, sage femme dans un grand hôpital de la grande ville. Une vocation qu'elle a découverte très jeune.  Un rêve d'enfant qu'elle a réalisé. 

Il devrait être heureux mais ne l'est pas.  Le célibat ? Son échec amoureux ? Non, rien de tout cela.  Il a été très amoureux de Lucie et a souffert de leur rupture.  Mais au fond de lui, il sait qu'il n'est pas fait pour la vie de couple.  Il l'a toujours su.  Seulement, ses parents s'inquiétaient de le voir encore seul à vingt-cinq ans alors que sa sœur fréquentait depuis quelques mois un jeune interne.  Alors, il avait rencontré Lucie et puis...

Il s'ennuie dans son boulot, dans sa vie.  Ces derniers temps, il multiplie ses randonnées mais rien n'y fait.  Bien sûr il goûte un peu de sérénité au contact de la montagne, de cette nature qui ne cesse de l'émerveiller mais cela ne lui suffit pas.  Ne lui suffit plus.  Il est de plus en plus fréquent qu'il confie la société à son associé quelques heures  pour aller respirer l'air pur des cimes.

L'informatique est pour lui un choix par défaut.  Doué pour cette technologie en expansion, il a pris cette voie lorsque ses parents ont exigé qu'il fasse des études.   Lui, il voulait être berger et faire du fromage comme son grand-père paternel.  Depuis qu'il était haut comme trois pommes, c'est ce qu'il répondait invariablement aux adultes qui lui demandaient ce qu'il ferait quand il serait grand.

Ses projets n'avaient pas changé quand était arrivé le moment d'aborder sérieusement son avenir.  Tout naturellement, il avait répondu : 

- Je vais vivre au chalet et travailler avec grand-père Victor. 

Si la réponse de l'enfant faisait sourire, celle du jeune homme avait mis son père en colère.

- Tu vas cesser avec tes enfantillages.  Je te parle d'un vrai travail.  Ta mère et moi ne nous usons pas à la tâche pour que tu passes ton temps à rêvasser.  Il faut avoir les pieds sur terre, la société d'aujourd'hui n'est plus celle de ton grand-père.  

Moins véhémente, sa mère s'était tout de même rangée à l'avis de son père.

- Ton père a raison, Jean.  Et puis, ce n'est pas en vivant dans la montagne avec tes chèvres que tu vas rencontrer une jeune fille et fonder une famille.

Toute argumentation avait été vaine.  Ils savaient mieux que lui ce qui lui convenait. Passionné et rêveur, il n'était cependant pas frondeur.  Il s'était donc incliné devant l'autorité parentale. Ses parents reviendraient peut-être sur leur décision, une fois son diplôme en poche.

L'hiver de ses vingt ans, son grand-père avait été emporté par une mauvaise pneumonie.  Jean avait été terrassé par ce décès qui le privait de l'affection et de la complicité de la seule personne qui le comprenait vraiment.  Victor, en montagnard de sang était certes bourru et peu bavard mais il se dégageait de lui une force tranquille, une bonhommie qu'il n'avait jamais trouvées chez son père.

Il s'était senti orphelin.  Qu'allait-il devenir sans lui ? Il passait la majorité de ses vacances et de ses loisirs à ses côtés. Les moments partagés dans les alpages alors que les chèvres paissaient.  La traite à laquelle il l'avait initié.  Les personnages et animaux en bois qu'il sculptait avec son « opinel » le soir devant l'âtre.  La grosse soupe qui embaumait et réchauffait le cœur.  Ce fromage fait avec amour dont il lui avait livré le secret et qu'il vendait au  marché le jeudi.  Avec lui, il avait aussi découvert la faune et la flore montagnardes.Tout cela constituait pour lui un héritage d'une valeur inestimable. 

Un violent orage s'était abattu sur la famille lorsque Jean avait suggéré qu'il pourrait arrêter ses études pour reprendre les activités de son grand-père. Fils unique, son père avait pris la décision de conserver le chalet mais de vendre les chèvres.

- Ta mère et moi en avons longuement discuté.  Nous allons vendre le troupeau au père Ignace. Nous conserverons le chalet pour les vacances.  Nous pourrons même envisager de le louer en pleine saison.

Une gifle ne lui aurait pas fait plus mal.  Il avait le sentiment d'une trahison.    De quelques mots, René gommait toute une existence.  A ce moment-là, il avait détesté son père.  Aujourd'hui encore, il lui en tenait rancune. Certes, les rapports que René entretenait avec Victor étaient houleux, basés sur une incompréhension réciproque. Le fils ne comprenait pas que son père vive toujours dans la montagne avec ses chèvres après le décès de son épouse, lui qui avait eu hâte de grandir pour rejondre la ville. Pour Victor, il était inconcevable que l'on puisse trouver un quelconque épanouissement en vendant des vélos enfermé à longueur de journée.  Malgré tout, René avait toujours eu énormément de respect pour son père. Alors pourquoi ce geste qui pour Jean tenait du reniement ?

Jean savait pertinemment bien que ses parents n'iraient jamais passer les vacances dans le chalet pas plus qu'ils ne le loueraient. Les mois qui suivirent lui avaient donné raison.  Alors c'était lui qui l'occupait pendant la haute saison ou dès qu'il en avait l'opportunité.

Aujourd'hui, il a trente ans et il est las. A la fois affamé et repu, plein d'énergie et apathique.  Automate sans âme, iI est spectateur d'une vie qui se déroule sous se yeux. Un état de torpeur a succédé à l'irritabilité.

Dimanche dernier, lors du repas mensuel chez ses parents avec sa sœur, son beau-frère et leurs enfants, il s'était contenté d'écouter les uns et les autres d'une oreille distraite se tenant à l'écart des conversations.  Il n'avait rien à dire et leurs propos ne l'intéressaient pas.  Comme à chaque fois, sa mère n'avait pas manqué de lui donner des nouvelles d'un ancien copain, du fils ou de la fille d'une connaissance qui s'était marié ou avait eu un enfant.  Ses allusions qui avaient, habituellement, le don de l'agacer ne l'avaient même pas fait réagir.  Devant son mutisme, elle s'était inquiétée :

- Que se passe-t-il, Jean ? Tu es souffrant ? Des soucis avec ta société ? 

Il l'avait rassurée.  Juste un peu de fatigue.  Son père avait ajouté  sur un ton ironique :

- Il n'y a pas que le travail dans la vie.  Tu devrais sortir un peu, rencontrer du monde et puis fonder une famille.  Tu ne vas pas passer ton existence avec ton corbeau et tes marmottes.

Il lui aurait bien répondu qu'eux au moins le laissaient tranquille et qu'il appréciait leur compagnie.  Il s'était tu. Que son père lui dise qu'il n'y avait pas que le travail dans la vie, c'était un comble, lui qui se confinait perpétuellement dans son magasin.

Seule la proximité du 20 octobre, l'égaie. Ce jour-là, il a rendez-vous avec Louis près de l'arbre aux corbeaux.  Un chêne centenaire où Cochise et ses congénères on trouvé refuge.  Ce fier ancêtre marque la frontière entre la vallée et ce que Jean appelle « son territoire » : la montagne. Cochise est un corbeau freux sauvé par son grand-père alors qu'il n'était encore qu'un corbillat et qu'il était blessé. Jean avait alors treize ans. Victor et lui l'avaient soigné.  Grâce à lui, ils avaient été admis par la corbeautière.  

Chaque fois que Jean part en randonnée, avant même qu'il n'arrive au vieux chêne, Cochise vient l'accueillir.  Parfois, il se pose sur son épaule pour lui susurrer à l'oreille les dernières nouvelles.  Ils se comprennent tous les deux.  Il n'est pas rare que le corbeau l'accompagne jusqu'au chalet.  

Cochise avait directement adopté Louis.  Avait-il senti cette fraternité qui s'était instaurée d'emblée entre les deux adolescents ? Cela ferait quinze ans ce 20 octobre qu'ils s'étaient rencontrés pour la première fois.  Louis venait de la ville et résidait pour un mois chez ses grands-parents à quelques kilomètres.  Son père et sa mère étaient à l'étranger pour leurs affaires. Il avait le même âge que Jean.  Ils s'étaient retrouvés tous les jours, après l'école, au pied de l'arbre aux corbeaux. Ils s'inventaient des aventures folles. Tantôt ils étaient sauveteurs en haute montagne, tantôt ils escaladaient la falaise à mains nues. Son départ avait laissé un grand vide.  Toutefois, ils avaient convenu de se retrouver chaque année, le 20 octobre à seize heures au pied du chêne. Chaque fois, ils partageaient un long moment à échanger sur leur vie et leur avenir.  Leurs projets se nourrissaient de liberté, de grands espaces, de sommets.  Louis étudierait la botanique et viendrait s'établir à la montagne.  Il serait guide.  Jean garderait les chèvres avec son grand-père. Ils créeraient de nouveaux fromages.  Cochise était le fidèle témoin de leurs rêves.  Louis est devenu botaniste. Il emmène les touristes et les écoliers dans les alpages.    Jean est devenu informaticien...

Ce 20 octobre, Jean est au rendez-vous bien avant l'heure.  Il s'assied au pied de l'aïeul, Cochise sur son épaule.  Ses yeux balayent les cimes.  Il est mélancolique.  Les heures passent et avec elles ce moment qu'il attend depuis des semaines.  Louis n'est jamais en retard malgré les kilomètres qui les séparent. Il se lève, regarde plus loin, encore et encore. Le jour passe le témoin à la nuit qui tombe tôt en cette saison.  Depuis un moment, il observe Cochise.  Il décrit des cercles en sautillant devant la grosse racine noueuse puis revient se poser sur son épaule.  Il répète ce manège comme un rituel.  Au bout de quelques minutes, le regard de Jean s'illumine. Cochise lui indique l'endroit où Louis avait enterré cette boîte métallique.  Avant de se quitter au terme de ce fameux mois d'octobre, il y avait caché un mot rédigé sur une feuille de son carnet.  

- Si un jour je manque notre rendez-vous, déterre-la et lis le message.

Il creuse fébrilement en quête de ce trésor qu'il ne tarde pas à découvrir.  La boîte accuse les saisons passées dans le sol.  Il découvre la feuille soigneusement repliée et s'empresse de lui redonner sa forme originelle.  Ses yeux dévorent l'écriture régulière :

« Toi et moi ne faisons qu'un.  Seules les saisons de la vie nous différencient.  Après la pluie vient toujours le beau temps.  Le froid de l'hiver n'empêche pas les fleurs de renaître au printemps.  Un temps pour chaque chose.  Aujourd'hui est venu celui du bonheur et de l'épanouissement ».

Son cœur tressaillit.  Il est prêt.  Enfin, après ces années de grisaille, il voit la lumière du jour.  

- Merci, Cochise, dit-il au corvidé.  Ce soir, nous dormons au chalet.  Demain sera une belle et longue journée. Pour commencer : les chèvres. 

 

 

19 novembre 2018

Le temps cadeau

Inutile de courir après le temps, nous ne pouvons pas le rattraper pas plus que nous ne pouvons l'arrêter ou le capturer.

Le temps apporte la sagesse et qui la détient sait que chaque instant est un cadeau précieux , source possible d'émerveillement.

Alors, dégustons le temps comme un mets délicat, délectons-nous de chaque grain de sable qui s'écoule dans le sablier.

1 octobre 2018

Le voyageur du coeur

Chrysalides devenues imagos, papillons aux couleurs des émotions,

Bulles de savon envolées dans le ciel, confiées au souffle du vent,

Enfants d’une plume, promeneurs d’un jour ou voyageurs au long cours,

Ils ne m’appartiennent plus ces mots qui ont eu raison de la page blanche.

Ils m'échappent, m’abandonnent, partis vers un ailleurs que je ne connais pas.

Mirages.

Nuages.

Présages.

Vous allez peut-être les apercevoir,

Les accueillir,

Les lire,

Vous en souvenir,

Vous en dédire.

Qu’ils vous plaisent ou pas, ne les emprisonnez pas, 

Ne les condamnez pas au naufrage,

Laissez-les suivre leur chemin, faire d’autres rencontres,

Laissez-les gagner d'autres rivages, découvrir d’autres paysages.

Quand ils viennent du cœur, les mots chercheront toujours d’autres âmes sœurs.

9 septembre 2018

Papillon noir.

Il y aura deux pilastres unies par une grille à l’usure du temps
Il y aura la longue allée de terre battue bordée de marronniers
Il y aura le gazouillis des oiseaux dans le crépuscule naissant
Il y aura la façade de la vieille bâtisse aux ocres moirés du soleil couchant
Il y aura elle, le corps alangui sur le banc de bois, sous le chapeau de paille et son sourire lumineux invitation au bonheur
Il y aura le papillon bleu posé sur la dentelle écrue de sa frêle épaule

Viendra la nuit sans lune aux allures d’éternité fendue par un ricanement glaçant et un cri d’effroi en écho.

Arrivera l’aurore jaspée et douce aux promesses d’un bel été, le bruissement du ruisseau, la nature qui s’éveille et la vie avec elle.

Il y aura le papillon noir posé sur la dentelle écrue de sa frêle épaule de dentelle
Il y aura elle, le visage livide, le corps brisé sur le banc de bois, un filet de sang pleurant de son cœur, le regard vide miroir de l’indicible,
Il y aura la façade aux ocres roses et dorés du soleil levant,
Il y aura, après le silence, le gazouillis des oiseaux, le chant du mistral dans le mouvement des arbres,
Il y aura la longue allée de terre et aussi les deux pilastres aux grilles d’antan.

Dans l’air, l’indécence d’un parfum de liesse et l’insouciance des papillons bleus.
L’heure n’est pas au labeur, les moissons attendront et les bêtes seront au repos.
En cette journée, les villageois n’ont d’autre préoccupation que la fête qui se donnera au château.
Le comte marie son fils unique, trentenaire accompli, aussi connu pour ses frasques que pour sa superbe moustache soignée qui lui a valu le surnom de « Papillon noir ».

Il y aura les notables et les va-nu-pieds, les riches marchands et les maquignons, les propriétaires terriens et les petits paysans, 
Il y aura les belles dames et les paysannes, les aristocrates et les lavandières, les bourgeoises et les gourgandines, 
Il y aura la promesse de vins et de mets fins, d’agapes qui mèneront jusqu’au petit matin,
Il y aura la mariée drapée d’ivoire, papillon blanc nacré posé sur l’or de sa chevelure,
Il y aura le marié boucles sombres sur le délicat velours bleu nuit, lavallière pourpre à l’épingle argentée.

Sonnera le glas qui sur tous les visages inscrira l’effroi, les sourires pétrifiera, la foule consternera.

Il y aura des cris et des pleurs, de la tristesse et de l’horreur mais point d’épousailles.
La demoiselle d’honneur était trop belle, elle qui s’est endormie pour toujours sur le banc de bois,
Son âme, papillon blanc, s’est envolée à tire d’ailes vers l’horizon.
Hier était nuit de prédateur, celle du papillon noir…
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